Vincent Leroy est Maître de Conférence au LHEEA, Laboratoire d’Hydrodynamique, Energétique et Environnement Atmosphérique (Centrale Nantes/CNRS). Son sujet principal de recherche est l’hydrodynamique expérimentale, notamment dans le domaine de l’éolien flottant.
Vous êtes Maitre de Conférence au LHEEA (Laboratoire d’Hydrodynamique, Énergétique et Environnement Atmosphérique) quel a été votre parcours jusqu’à ce poste ?
Après un diplôme d’ingénieur de l’Ecole Centrale de Nantes en 2015, j’ai effectué ma thèse de doctorat au LHEEA, dans le cadre d’un contrat CIFRE avec l’entreprise INNOSEA. Durant ces trois années, je travaillais sur la modélisation hydro-aérodynamique des éoliennes flottantes, sur le volet numérique. Une fois ma thèse soutenue, j’ai commencé un travail de postdoctorat sur le projet HeLoFow (financé par WEAMEC) en partenariat entre le LHEEA et NTNU, en Norvège. C’est dans ce cadre que j’ai eu l’occasion de travailler pendant une année au sein du département de technologies marines de NTNU à Trondheim. A l’issue de cette année, je suis rentré au LHEEA pour la poursuite du même projet de recherche partenariale. J’ai alors candidaté à un poste de maître de conférences qui s’ouvrait au laboratoire en hydrodynamique, et j’occupe ce poste depuis novembre dernier.
Quelles sont vos missions aujourd’hui ?
En tant qu’enseignant-chercheur je suis rattaché au LHEEA et au département de Mécanique des Fluides et d’Energétique de Centrale Nantes. Côté enseignement, j’interviens dans le cadre de l’option Océan avec les étudiants de 2e et 3e année à l’Ecole Centrale et en Master, ainsi qu’en mécanique des fluides auprès des étudiants en première année du cursus ingénieur. Mes activités de recherche, quant à elles, se concentrent principalement sur l’hydrodynamique expérimentale, aux bassins d’essais de l’école. Mon sujet principal est la modélisation des éoliennes flottantes.
Comment et pourquoi en êtes-vous arrivé à travailler spécifiquement sur les EMR et l’éolien en mer ?
Les énergies marines renouvelables, et en particulier l’éolien offshore, sont une source possible et efficace d’électricité faiblement carbonée. Elles font donc partie d’une solution pour répondre aux enjeux de la transition énergétique face au réchauffement climatique et c’est donc très important d’y contribuer selon nos compétences. En plus de cela, je trouve que la recherche et l’ingénierie dans le milieu maritime sont absolument fascinantes de par la complexité des problèmes et l’environnement marin en lui-même.
Vous travaillez actuellement sur le projet HeLoFow, un projet issu de l’AAP WEAMEC. Quels sont les objectifs du projet ?
Dans le cadre du projet HeLoFow, nous nous intéressons aux interactions houle/structure d’une plateforme d’éolienne flottante, et plus particulièrement aux effets hydroélastiques : ses déformations élastiques du fait des forces hydrodynamiques. L’enjeu est grand puisque les éoliennes sont de plus en plus grandes, et ces objets de plusieurs centaines de mètres de haut (tirant d’eau + tirant d’air) se déforment nécessairement, tout comme les très grands navires par exemple. Mieux comprendre ces phénomènes permettrait donc à terme d’optimiser ces grandes structures en mer. Le premier volet du projet concerne le développement d’un nouvel outil numérique, basé sur un couplage entre un solveur hydrodynamique non-linéaire et un outil calculant les déformations de la structure. Le second volet se penche sur la modélisation expérimentale des effets hydroélastiques d’une éolienne flottante, dans un bassin de houle. On cherche en particulier à reproduire et à mesurer sur une maquette à échelle réduite des déformations induites par les vagues. Dans ce cadre, nous avons créé une nouvelle maquette d’éolienne flottante montée sur une plateforme spar. La particularité de la plateforme est d’être suffisamment flexible pour être représentative d’une éolienne flottante réelle, de 90 m de tirant d’eau. A cause d’effets d’échelles, les maquettes utilisées sont généralement bien plus rigides qu’au réel. L’objectif principal de cette campagne est de créer une base de données destinée à valider des codes numériques qui traitent des problèmes hydroélastiques pour les éoliennes flottantes.
> Voir la vidéo sur les essais HeLoFoW en bassin
La phase d’essais en bassin a eu lieu en début d’année. Pouvez-vous nous en dire plus sur les premiers enseignements retirés de cette campagne ?
La maquette était dans le bassin d’hydrodynamique et de génie océanique du LHEEA de décembre 2020 à fin janvier 2021. En décembre, elle a servi de support pédagogique aux étudiants de l’option Océan ainsi qu’aux étudiants en Master. En janvier, c’était en effet la campagne HeLoFow à proprement parler. La plupart des mesures réalisées sont en cours d’analyse et il y a encore beaucoup de travail à fournir. Néanmoins nous avons d’ores et déjà pu vérifier que la maquette se comportait exactement comme nous l’avions prévu en termes de fréquences propres, de déformations et de précision des capteurs. Nous avons pu observer et mesurer des déformations induites par les forces hydrodynamiques, et notamment par des effets non-linéaires dans la houle. Par exemple, nous avons pu observer la maquette vibrer à des fréquences deux ou trois fois supérieures à la fréquence de la houle. Ceci est très intéressant pour la validation de solveurs. Dans des états de mer irréguliers, plus réalistes, nous avons également observé des impacts de vague sur la structure, induisant de fortes vibrations dans l’ensemble de l’éolienne et de la plateforme. Là aussi, ces vibrations et déformations ont été mesurées avec précision. Ces données peuvent être d’une grande aide pour valider différents solveurs hydrodynamiques.
HeloFow s’inscrit donc dans le cadre des AAP WEAMEC ? Quel a été l’intérêt pour vous de candidater à cet appel ?
Jean-Christophe Gilloteaux, chercheur au LHEEA est le principal chef d’orchestre d’HeLoFow et de son montage. Les AAP WEAMEC ont permis de financer ce projet : en plus d’un salaire de chercheur en postdoctorat sur la durée du projet, une année de détachement à NTNU a été permise ainsi que la réalisation d’une maquette et une campagne expérimentale en bassin de houle. Cet AAP (Recherche internationale) a donc une enveloppe conséquente qui permet des projets ambitieux en incluant des collaborations avec des partenaires reconnus à l’étranger. Ce projet est donc très intéressant tant pour le sujet qu’il étudie (hydroélasticité des plateformes d’éoliennes flottantes) que pour les méthodes mises en œuvre (numériques et expérimentales aux bassins du LHEEA) ou encore pour le cadre institutionnel (recherche partenariale avec NTNU en Norvège).
Quelles sont les retombées d’HeLoFow à court et moyen terme pour les industriels du secteur ? Cela nécessite-t ’il de poursuivre les recherches ?
Tout d’abord, le travail théorique et numérique réalisé durant la première année du projet a permis de mettre en place un nouveau couplage hydroélastique utilisant un solveur hydrodynamique non-linéaire. Ces développements ne sont pas tout à fait aboutis pour l’éolien flottant, mais ont déjà été appliqués à l’étude d’une éolienne offshore fixe sur fondation monopieu. Les résultats sont très satisfaisants. Ensuite, sur le versant expérimental, HeLoFow devrait aboutir à une base de données considérable, particulièrement utile pour la validation des codes hydrodynamiques et hydroélastiques. Ceci peut donc être une aide précieuse pour dimensionner des éoliennes flottantes. Dans ce but, d’autres topologies de flotteurs devraient idéalement être testées. Ces études peuvent faciliter de meilleurs protocoles de conception et permettre de baisser les coefficients de sécurité et donc le coût de l’énergie produite. L’entreprise d’ingénierie INNOSEA, spécialisée dans les EMR, travaille par exemple sur ces sujets et est partenaire du projet.
Grâce à ce projet, nous continuons à travailler sur la thématique de l’éolien flottant, et les résultats expérimentaux d’HeLoFow vont notamment servir de référence de validation pour des développements numériques faits dans le cadre de projets européens (FLOATECH et FLOAWER, en particulier). Des analyses plus profondes seront faites dans les semaines à venir, notamment avec une thèse de master en cours au LHEEA, mais nous comptons déjà poursuivre les recherches en ajoutant une modélisation plus fine des forces aérodynamiques et du contrôle du rotor de l’éolienne pour observer leur influence sur le comportement d’ensemble de la structure flottante.