WEAMEC : Vous êtes arrivée en 2017 à Centrale Nantes. Quel a été votre parcours avant cette date ?

Sandrine Aubrun : J’ai fait une partie de mes études universitaires à Strasbourg, puis j’ai obtenu mon master (D.E.A à l’époque) en 1994 et mon doctorat en mécanique des fluides en 1998 à Toulouse (INP Toulouse). Mes travaux de recherche visaient à étudier les structures cohérentes présentes au sein des écoulements turbulents par des moyens expérimentaux. J’ai ensuite été Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’INP Toulouse, puis post-doctorante à l’ONERA Toulouse. En 2000, j’ai commencé un post-doc de 6 mois à l’Institut de Météorologie de Hambourg (Allemagne) en aérodynamique environnementale (dispersion de polluants, odeurs, composés organiques volatiles) et j’y suis finalement restée 4 ans en tant que chercheure contractuelle et ai participé à deux projets nationaux. En 2004, j’ai obtenu un poste de maître de conférences à l’Université d’Orléans (Polytech Orléans/ laboratoire PRISME) en aérodynamique expérimentale et je m’y suis épanouie jusqu’en 2017 sur les thématiques de la réduction de trainée des véhicules, du contrôle actif d’écoulements pour les véhicules et les éoliennes, les sillages d’éoliennes et leurs interactions.

Pourquoi le LHEEA, laboratoire de Centrale Nantes et du CNRS, vous a attiré pour continuer à mener vos recherches ?

J’interagissais déjà avec des collègues du LHEEA avant 2017 et j’avais donc pu observer le dynamisme de ce laboratoire, grâce à la qualité de ses chercheurs bien-sûr, mais aussi grâce au soutien des services supports du laboratoire et de la tutelle Centrale Nantes. Je constatais également que la filière vers laquelle je souhaitais concentrer mes efforts de recherche, l’énergie éolienne, était particulièrement promue par la région Pays de Loire et que sa déclinaison maritime (éolien en mer) bénéficiait d’un soutien à la recherche très supérieur à ce que j’avais pu observer ailleurs, notamment via WEAMEC. La combinaison exceptionnelle au LHEEA des moyens numériques et expérimentaux, à échelle réduite (souffleries et bassins hydrodynamiques) et à échelle 1 (site d’essais en mer SEM-REV) m’a également particulièrement attiré, dans une perspective de collaboration intra-laboratoire. Il m’a donc semblé que la conjonction de tous ces éléments me permettrait de m’épanouir pleinement dans mes futurs projets de recherche.

Le projet d’attractivité WEAMEC FLOATEOLE a-t-il été important pour votre intégration ?

Le projet d’attractivité FLOATEOLE a été un formidable accélérateur de mon intégration dans le laboratoire et dans la thématique phare de l’écosystème régional et nantais, les Énergies Marines Renouvelables. Il m’a donné les moyens de construire des thématiques de recherche en collaboration avec les chercheurs déjà en place, d’approcher des entreprises du secteur comme IDEOL SA et D-ICE Engineering et de financer du personnel de recherche associé. Cela m’a vraiment permis de démarrer mon activité dans de très bonnes conditions.

Depuis 2017, vous êtes donc Professeure des Universités au sein du LHEEA, quelles y sont vos thématiques et activités de recherche ?

Je travaille particulièrement sur les sillages des éoliennes offshore et leurs interactions. L’estimation des pertes de productions dues à ces interactions est encore peu précise et nécessite l’amélioration des modèles de sillages. La spécificité des éoliennes flottantes, pour lesquelles les mouvements de flottaison vont engendrer des mouvements des rotors, qui auront eux-mêmes un impact sur le développement des sillages, m’ouvre également une nouvelle voie de recherche, notamment via FLOATEOLE. La mesure de la ressource éolienne en eaux profondes fait également partie de mes nouveaux champs d’études, notamment par LIDAR flottant, et je collabore avec le CSTB, EDF,AKROCEAN et VALOREM dans le cadre du projet WEAMEC MATILDA. Depuis 2019, je coordonne un projet européen intitulé FLOAWER. C’est un réseau de doctorants spécialisé dans l’éolien flottant. Dans le périmètre nantais, je vais aussi animer un cluster de recherche en éolien en mer intitulé ORACLE (NeXT).

En quoi le projet FLOATEOLE a-t-il permis d’amorcer la thématique du sillage des éoliennes offshore, qui n’existait pas dans le territoire ?

Globalement, les compétences et l’envie de développer cette thématique étaient déjà présentes au laboratoire mais il manquait juste l’étincelle, et un peu de carburant pour amorcer complétement le processus. Le projet FLOATEOLE a permis cette synergie entre les différentes expertises nécessaires à la thématique : les écoulements atmosphériques, l’aérodynamique et l’hydrodynamique à surface libre

Vous participez à plusieurs projets de recherche issus des Appels à projet WEAMEC et notamment 2 que vous coordonnez (MATILDA & FLOATEOLE). Quel a été l’intérêt pour vous de candidater à ces appels ?

Pour nous, chercheur.e.s, WEAMEC est une rampe de lancement sur beaucoup de sujets en lien avec les EMR. La réponse aux appels à projets est toujours faite dans une approche constructive avec la direction du WEAMEC. La probabilité de succès, si tant est qu’on se situe dans les priorités de recherche WEAMEC, est élevée. Cela nous permet de prendre de l’assurance sur des sujets moins établis au LHEEA et de pouvoir ensuite aller concourir à des financements nationaux et européens plus sélectifs sur des projets collaboratifs avec des laboratoires de réputation mondiale.

Concernant le projet MATILDA, où en êtes vous aujourd’hui dans le programme de recherche ?

Le projet touche à sa fin à la fin de l’année 2021. Grâce au recrutement d’un post-doc très performant, l’estimation de l’erreur de la mesure d’intensité de turbulence par LiDAR Profiler pour une technologie spécifique de flotteur a été réalisée et un algorithme de correction de la mesure en fonction des statistiques de mouvement est en cours de développement. Une publication en revue scientifique est prévue d’ici la fin de l’année pour clore le projet.

Vous avez aussi décroché le premier projet Européen, FLOAWER, coordonné par un membre de la communauté WEAMEC. En quoi le soutien de WEAMEC a -t-il été précieux ?

WEAMEC m’a aidé à construire un consortium pertinent, grâce à sa connaissance du paysage européen de l’éolien en mer et de ses acteurs majeurs. Il a aussi participé à l’écriture de certaines parties de la proposition dans lesquelles les chercheurs se sentent parfois démunis (contexte industriel, impact économique, etc.) et à la relecture de la proposition complète, notamment dans le cadre du GT Europe auquel participent de nombreux acteurs de la communauté.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet FLOAWER ?

Le projet FLOAWER (pour FLOAting Wind Energy netwoRk) est un projet européen dans la catégorie « Innovative Training Network ». des Actions Marie Sklodowska Curie. L’objectif de ce Réseau de Formation Innovante est de former une nouvelle génération de chercheurs pour la filière de l’éolien en mer (en particulier le flottant) en développant leur potentiel de créativité, d’esprit d’entreprise et d’innovation. 13 doctorants accueillis par 10 partenaires européens vont mener des recherches en lien avec les enjeux scientifiques, techniques et économiques de l’éolien flottant.  Ils suivront un programme de formation taillé sur mesure et seront accueillis pour plusieurs mois par des entreprises partenaires pour une immersion dans les problématiques industrielles. Ils valoriseront leurs travaux par la rédaction d’articles scientifiques, la publication de livrets de résultats visant les entreprises du secteur, les certificateurs ou les décideurs, la participation active à des événements visant des publics variés (académiques, industriels, grand public, etc). Le projet atteindra son apogée en 2023, lorsque les jeunes chercheurs auront bénéficié de l’intégralité de leur programme de formation et qu’ils pourront délivrer les résultats issus de leur programme de recherche individuel.

Pour vous, quels sont les grands enjeux à venir dans le développement de l’éolien offshore ?    

Vaste question : chaque scientifique a généralement le réflexe d’y répondre par le prisme de ses activités … Rien n’est plus important que sa propre discipline…

Néanmoins, j’ai le sentiment qu’au-delà des aspects  purement techniques,   l’enjeu principal est l’acceptabilité sociale de ces grands projets éoliens offshore que nous allons voir éclore sur nos côtes françaises prochainement. Comment faire adhérer les populations à ces grands projets dont l’objectif est de contribuer à une transition énergétique réussie ? Comment partager l’espace maritime en bonne intelligence ? Comment bénéficier de l’expérience de nos voisins, plus en avance que nous, en la matière ? Ce sont des questions majeures à traiter avec la plus grande attention.